Former Minister Salim El-Jahel
FIAP Center - Paris   
Tuesday, May 15, 2007

C’était en 1979, il y a près de trente ans: Walid MAALOUF quittait le LIBAN, où la guerre faisait rage, pour les ETATS-UNIS d’Amérique.

Son père avait déjà, une première fois, abandonné son commerce et sa maison situés tous deux à Beyrouth - Ouest tombée aux mains des palestiniens. Walid partait le cœur déchiré emportant le LIBAN dans son cœur comme une forme d’espérance. Mais il avait la ferme volonté de reprendre à quelque endroit où il se retrouverait, la lutte pour un LIBAN libre, pacifié et uni. Ces sentiments, et l’action sans relâche entreprise à cet effet aux Etats-Unis depuis qu’il y a mis les pieds, sont à la source de cet ouvrage qu’il nous donne aujourd’hui:

«How Many Times ... I told you; Reflections, Memories and Hope for Lebanon». Etabli dans l’Etat du Caroline du Nord, Walid MAALOUF s’inscrit à l’Université du Sacré-Cœur de Belmont que dirigeait une religieuse d’origine libanaise, sœur Marie-Michel BOULOS de l’ordre des Sœurs de la Miséricorde.

Elle apportait aide et réconfort aux expatriés libanais nombreux en cette région, s’occupant en particulier de la scolarisation de leurs enfants dans l’établissement qu’elle dirigeait. Walid en bénéficia lui-même.

Il entre rapidement en contact avec la colonie libanaise, une communauté forte de ses valeurs traditionnelles, toujours attachée à sa libanité. Il entreprend aussitôt de l’organiser, de regrouper ses membres en associations et clubs, et les sensibiliser à la cause du LIBAN.

En 1986, soit près de sept ans après son arrivée aux Etats-Unis, il fonde la Metrolina Phenecian club d’où sortira un périodique le Marhaba (Salut), salut à la résistance libanaise et à tous les compatriotes du LIBAN et d’Outre-mer. Le “How Many Times” reprend un certain nombre de ses articles publiés dans le «Marhaba» et autres journaux et revues dont le Houda et le Lebanon News, ainsi que des allocutions faites à divers groupements et associations d’émigrés.

Partout il témoigne de son attachement au LIBAN et il accuse: il accuse les dirigeants et tous les politiciens du pays sans en exclure aucun d’être responsables des guerres que le LIBAN a subies, de la désintégration des institutions publiques et de l’Etat dans son ensemble, devenu aujourd’hui ce que j’appelle un Etat-zombie. Il stigmatise la féodalité politique, l’oligarchie sous toutes ses formes qui s’est depuis toujours emparée du pays, le clanisme, l’assujettissement aux chefs de clans et de famille.
Il dénonce les crimes commis, notamment dans le Chouf par destruction de centaines de villages dont son propre village d’origine Kfarkatra, et massacre de leurs habitants, Crimes contre l’humanité, s’il en est, sur lesquels aucun des grands pays d’Occident si prompts généralement à les dénoncer, n’a versé la moindre larme.

Il faut dire que s’agissant des Etats-Unis, en particulier, leur attitude à l’égard du LIBAN a toujours été empreinte d’une certaine ambigüité. On sait déjà qu’en 1919 le Président Wilson s’était opposé à la constitution d’un Etat libanais. On a pu observer que l’Université américaine de Beyrouth, l’une des premières université fondée par des américains à l’étranger a été le noyau de tous les mouvements subversifs contre cet Etat: le parti populaire syrien, le baath, et même le parti communiste.
Le pire restait à venir.

Il faut bien reconnaître que la politique américaine se détermine en fonction d’intérêts à courte vue. Au regard des stratèges du Département d’Etat, le LIBAN, petit pays sans ressources, apparaît comme un grain de sable perdu entre Israel et les grands pays pétroliers. On l’écrase et on passe. Voilà ce qu’a pensé faire un grand stratège américain, Harry Kessinger.

On sait que l’un des obstacles majeurs à la paix entre les arabes et Israël consiste dans le refus qu’oppose l’Etat hébreu au retour des réfugiés palestiniens dont le plus grand nombre se trouve au LIBAN. Henrry Kissinger a cru trouver la solution: implantation des palestiniens dans les zones habitées par des chrétiens et évacuation de ces derniers vers le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande. On avait eu la même idée en France en 1860. On a pensé évacuer les chrétiens du LIBAN vers l’Algérie. Il semble que Yasser Arafat ait accepté la proposition d’où le fameux slogan: « La libération de Jérusalem passe par Jounieh ». Mais l’opération a tourné court grâce à la résistance des chrétiens qui refusaient d’abandonner leurs pays. Elle a engendré une guerre de plus de quinze ans et jusqu’à présent, la déstabilisation du pays.

La Syrie dont les visées expansionnistes sur le LIBAN ne datent pas d’aujourd’hui se chargea d’organiser la guerre. Elle alimenta en armes et en équipements les forces palestiniennes qui montèrent à l’assaut de l’Etat libanais en 1975.

On la laissa faire et on lui confia la mission de mettre au pas les belligérants, mission renouvelée en récompense de la Syrie pour s’être alliée à la coalition lors de la première guerre du Golfe en 1991. Son occupation du Liban avec l’assentiment expresse ou tacite des grands pays d’Occident dont les Etats-Unis dura près de trente ans.

Les choses ont bien changé aujourd’hui. Nous assistons, il faut bien le reconnaître, à un revirement de 180 degrés de la politique américaine à l’égard du LIBAN.

Jadis, je m’étais rendu sur rendez-vous, venant de Beyrouth, au Département d’Etat à Washington pour exposer l’affaire libanaise. Monsieur Viliotes qui était chargé des affaires du Moyen Orient m’accorda un quart d’heure. Cela mesure aussi l’intérêt que les Etats-Unis avaient pour le LIBAN.

Aujourd’hui le Département d’Etat est habité par un libanais Walid MAALOUF de KFARKATRA. On croit rêver. Les choses ne sont donc plus comme avant. Entré au Département d’Etat, après une carrière bancaire, Walid Maalouf en gravit rapidement les échelons. Il occupe aujourd’hui l’un des grands postes de direction celui de la Diplomatie générale de l’agence pour le développement.

Le 17 septembre 2003 Walid MAALOUF est nommé par le Président BUSH délégué suppléant des Etats-Unis à l’Assemblée Générale de l’ONU. O surprise! Voilà qu’un délégué américain s’adresse à l’Assemblée en arabe. Au cours d’une réunion, le 8 novembre 2003, ce même délégué américain dévoile tout haut son identité: «je suis, déclare t-il, un libanais américain qui a passé 24 ans aux Etats-Unis, et j’ai l’honneur aujourd’hui de parler au nom de mon pays les Etats-Unis du sujet qui est à l’ordre du jour, celui des droits de l’homme».

Depuis le retrait de l’armée syrienne, les droits de l’homme et toutes les valeurs démocratiques sont à nouveau respectés au LIBAN, comme ils l’étaient par le passé.

Monsieur MAALOUF a bien raison de considérer que le LIBAN peut servir à cet égard — et c’est ce qui fait son intérêt dans la région — de modèle aux autres pays du Moyen-Orient.

Mais le LIBAN, comme dit Nicolas SARKOZY, «est un miracle» et les miracles ne se répètent pas. La liberté sous toutes ses formes n’a été acquise en Occident qu’après rupture avec l’Eglise, par la Réforme protestante, d’une part, par la Révolution française, de l’autre.

Pour que ces valeurs puissent être transposées dans les autres pays du Moyen-Orient, il faut que le pouvoir politique dans ces pays se détache de la religion. Il ne suffit pas que les organes étatiques soient établis par voie électorale. On le voit bien en Iran où le Président de la République ainsi que les députés sont élus au suffrage universel. Pour autant, aucune place n’est laissée aux valeurs de liberté et d’égalité.

A l’ONU, Walid MAALOUF défend âprement la politique américaine dans toutes ses aspérités, ce qui lui vaudra des accrochages avec le délégué syrien à propos notamment du Golan, dont la restitution à la Syrie doit se faire selon Washington dans le cadre d’un traité de paix avec Israël, mais accrochages aussi quelquefois avec le délégué libanais inféodé à la Syrie. Tous deux tiennent à son égard des propos violents: «traître à la cause arabe». Qu’à cela ne tienne! Walid est un fonctionnaire américain, il est le représentant des Etats-Unis à l’Assemblée générale de l’ONU. Il expose la position américaine en toute clarté: «Il ne doit y avoir, dit-il, aucune ambiguïté sur ma citoyenneté américaine. Je ne serai à aucun moment prisonnier de mon origine libanaise. Quelques puissent être mes convictions personnelles, je suis là pour exposer la position des Etats-Unis. Je suis fier d’être américain et libanais».

Il y a là une belle leçon de civisme qui mérite d’être retenue par tous les émigrés ou descendants d’émigrés qui ont bénéficié de la citoyenneté du pays d’accueil. Ils doivent s’intégrer, se fondre totalement dans l’identité nationale du pays dont ils ont acquis la nationalité. Ainsi, parlant plus généralement des américains d’origine arabe, «ces derniers, dit-il, en retour de ce que les Etats-Unis d’Amérique leur ont donné, doivent s’intégrer davantage dans l’esprit américain, se fondre dans la grande famille américaine».

Cette leçon vaut, ô combien, pour les franco-libanais. Appelés ces jours-ci à faire acte de citoyenneté en votant aux élections françaises, ils doivent s’en acquitter en tant que purs citoyens français sans nulle autre considération que les intérêts bien compris de la France.

Pour autant, le LIBAN ne doit pas être oublié. A la tribune des Nations Unies, le délégué américain de Kfarkatra ne manque aucune occasion pour rappeler à la Syrie la nécessité de respecter la résolution 1559 qui l’oblige à retirer son armée du LIBAN, à respecter sa souveraineté, à désigner un ambassadeur dans ce pays et à établir des relations diplomatiques avec le LIBAN, comme cela se passe entre deux Etats souverains. «Je ne fais qu’appliquer à cet égard, dit-il, la position officielle des Etats-Unis telle que formulée par le Président dans nombre de ses discours». Toutes ces allocutions, même celles données devant des associations d’émigrés libanais «ont été préalablement soumises, prévient-il, à l’agréation du Département d’Etat dont je fais partie».

Cette nouvelle politique à l’égard du Liban, que mènent d’ailleurs conjointement les Etats-Unis et la France a eu déjà le résultat qu’on sait: le retrait de l’armée syrienne d’occupation et des services de sécurité. Cela s’est produit en 2005.

Mais trente ans d’occupation ont laissé de profondes séquelles, la désyrianisation du pays a peine à frayer son chemin, celle des esprits est encore plus difficile. Mais les germes de la désintégration totale du pays sont toujours là et ont été renforcés au cours des dernières années : d’une part, la milice du Hezbollah que les syriens ont laissé se créer et qu’ils ont alimentée en armes et en équipements, plus puissante aujourd’hui que l’armée libanaise, mieux année, mieux structurée.

D’autre part, et un peu partout dans les camps palestiniens répandus dans le pays depuis près de soixante ans, et même en dehors des camps, des groupes palestiniens armés prêts à en découdre avec l’Etat et ses représentants.

Toutes ces forces peuvent à tout moment, instrumentalisés par la Syrie ou par toute autre puissance régionale, déclencher des troubles graves et continuent à déstabiliser le pays de manière permanente.

Il est douteux que l’Etat libanais laissé à lui-même puisse s’en défaire. Il a besoin pour cela d’un soutien international massif. Or le plus frappant, c’est que toute l’activité diplomatique tant du point de vue libanais que du côté des Etats qui soutiennent le LIBAN tourne autour de la constitution d’un tribunal international pour juger les auteurs des actes terroristes qui ont ensanglanté le pays. L’affaire du tribunal international a occulté le problème capital qui se pose aujourd’hui au Liban celui du désarmement du Hezbollah et des palestiniens. A défaut d’une solution rapide apportée à ce problème, il y va de la survie de l’Etat libanais dans les années à venir.

Voilà sur quoi doit porter l’aide que le LIBAN attend des Etats-Unis et de la communauté internationale. Pourra t-il y compter, les Etats-Unis risquent-ils de changer à nouveau de cap? Telle est la question qu’on ne peut s’empêcher de se poser. Walid MAALOUF y répond: «Je peux vous assurer, dit-il, que le Moyen-Orient et le Liban sont pour le Président Bush une préoccupation majeure. Tout est clair dans son esprit. C’est un homme de principe qui fait ce qu’il dit et qui dit ce qu’il pense. Il a promis la libération du Liban, il réalise ses promesses». Mais quid demain?

A vrai dire, ce qui peut surtout rassurer les libanais c’est la présence au Département d’Etat d’un de leurs compatriotes avec la fonction que l’on sait. Leur souhait est de le voir accéder aux plus hautes fonctions qu’offre ce département pour le plus grand bien du LIBAN.